Le triste voile de la nuit était tombé, de longues tables avaient été dressées au cours de la journée autour du feu de camp. Le rougeoiement des flammes, montant vers le ciel, éclairait le banquet. La bière coulait à flot, de l’Elfe cuisiné à toutes les sauces défilait sur de larges plateaux de bois, le crépitement des bûches était couvert par le chant des guerriers et toute la plaine résonnait de leurs cris. Mais Movézeuil ne prenait pas part aux festivités, il songeait à la mort, la mort de son frère Tarkin.
Les deux Extrémistes avançaient à travers un désert de sable, au loin on apercevait un canyon et quelques arbres à piques parsemaient cette vaste étendue aride. Le soleil se réfléchissait sur la montagne, la température était insoutenable, ils marchaient avec peine, leurs pieds s’enfonçaient laissant de larges empreintes. Quelques dunes après, apercevant deux chemins différents, ils se séparèrent. Sans le savoir alors, ils se voyaient pour la dernière fois. Le Découpeur d’Oreilles Pointues entra dans le défilé tandis que son ami contournait l’obstacle.
Rapidement, Movézeuil fit le tour, et se retrouva à la sortie du passage, là où Tarkin devait l’attendre. N’y étant pas, il s’y engagea avec prudence afin de le devancer. Dans la pénombre, il continua sa progression, les deux parois étaient très proches ce qui la rendait difficile. A un croisement une scène macabre apparut au Nain, une dizaine de corps, empêtrés les uns dans les autres, baignaient dans un océan de sang frais. S’approchant, les oreilles pointues des cadavres, le renseignèrent sur l’identité des victimes. Sans doute un groupe embusqué, dans le but de les tuer. Leurs blessures avaient été faites par une hache, il en déduisit que son frère ne devait pas être étranger à l’affaire. Pourtant quelque chose n’allait pas, si Tarkin avait tué ces Elfes, il aurait pris la peine de leur tailler les oreilles pour sa collection personnelle, mais ce n’était pas le cas. Intrigué, Movézeuil enjamba les morts et se remit à marcher. C’est alors qu’il vit son ami, non loin, étendu, les bras en croix sur la poitrine. Le Seigneur de la Coterie s’effondra, en larme, à ses côtés. Il avait une large blessure au cou, le sang ne coulait déjà plus, il avait sans doute combattu jusqu'à son dernier souffle et même blessé avait continué puis s’était écroulé un peu plus loin. L’Extrémiste, le cœur gros et emplit de haine, prit sa dépouille sur le dos et retourna au campement annoncer l’affreuse nouvelle à ses compagnons.
Movézeuil s’arracha à ses sombres pensées, Rax assit à sa gauche, n’était pas loin de sa trentième bière.
« Ne fais pas cette tête ! Tarkin aurait été fier de notre victoire ! dit-il.
- Je sais mais je ne peux pas m’empêcher de penser à lui.
- La vie continue mon vieux, regarde cet Orc, Kikoupabien, là-bas, il fête sa victoire. Nous devrions en faire autant, c’est quand même moi qui ai repris le commandement de ses troupes après sa mort et sans toi nous n’aurions pas gagné.
- Il va me falloir un peu de temps. confie-t-il.
- C’est normal, il me manque aussi !
- Allez, buvons une bière à sa mémoire et à notre victoire.
Les deux Amis levèrent deux grandes chopes et trinquèrent bruyamment, de la mousse s’échappa vers le ciel, âme et ultime voyage de Tarkin.