[ RP Serviettemouillédhil ] Une arrivée bien arrosée !

Movézeuil se tenait sur le pont. Il observa attentivement autour de lui pour vérifier qu'il était bien seul. Dans les mâtures, la vigie, pirate de son métier, semblait somnoler, les autres marins devaient se trouver dans les cabines. Rassuré, il éjecta son déjeuner par dessus bord. Le vent l'emporta au loin. Il essuya soigneusement sa barbe tressée puis avança prudemment sur le navire. Même par mer plate, le Nain sentait son estomac se retourner et ses jambes se dérober sous son poids. Cela faisait trois lunes qu'ils étaient entourés par cet océan et toujours rien à l'horizon. Les jours passaient et se ressemblaient. Même si de temps à autre, des jeux étaient organisés. Le préféré du Vénérable Ancien était le Peau. Il s'agissait de rassembler des épidermes de toutes sortes et d'en faire des combinaisons. Mais Khair, le cuisinier, avait, grâce à son expérience, une perfection dans son tannage qui rendait ses associations imbattables. A chaque partie, il en sortait plein aux as. Soudain du haut de son mât de misaine, le pirate se mit à gesticuler. Il semblait vouloir communiquer mais il était muet, comme une carpe. Movézeuil, se doutant de la cause de l'agitation, sentit une énergie nouvelle l'envahir. Frais comme un gardon, il courut vers la proue.
- TERRE. hurla-t-il, heureux comme un poisson dans l'eau. TERRE !
Des profondeurs du navire monta une clameur et le premier des marins passa la porte. Il tenait un sabre recourbé dans chaque main et les brandit en l'air pour manifester sa joie. D'autres suivirent, envahissant peu à peu le pont.
- Sairp, hier, ne m'avais-tu pas dit que nous ne rencontrerions que l'océan pendant plusieurs Lunes encore ?
Le dénommé Sairp, en entendant la question, observa l'horizon puis répondit dépité qu'il n'avait jamais entendu parlé de ce continent. Le navire, fendant les flots, se rapprochait rapidement de ce qui était devenu la destination du voyage. Peu de temps après, ils l'ancrèrent dans une petite crique et se préparèrent à mettre les chaloupes à la mer pour rejoindre la terre ferme. Mais un membre de l'équipage arriva en courant auprès de Movézeuil.
- Nous n'avons pas de chaloupe, seigneur.
- Et où sont-elles ? s'énerva le Nain.
- Et bien ... commença-t-il prudemment. Vous vous souvenez que le navire était trop chargé lorsque nous sommes partis ? Et que nous vous avons proposé de laisser quelques tonneaux de bière aux docks ?
- Où veux-tu en venir ? demanda le Nain qui commençait à comprendre.
- Et bien ... vous avez refusé et vous nous avez ordonné de laisser les chaloupes.
La tête du pirate alla rouler sur le pont tandis que Movézeuil, aussi rapidement qu'il l'avait sorti, rangea sa hache. Le roulis faisant traverser le navire au crâne de long en large. Il désigna un marin pour lui courir après puis jeter le cadavre par dessus bord. Pendant ce temps, il s'interrogea : Comment rejoindre le continent ? Une lueur illumina ses yeux, il avait une solution. Il allait se mettre dans un tonneau qui serait mis dans les flots et le courant devrait l'amener à la plage.

****

Une Lune plus tard, il sentit son tonneau heurter quelque chose. Tout ankylosé, il le brisa et fut ébloui par les rayons du soleil. Il cligna des yeux et distingua le lieu où il se trouvait. Il s'agissait d'une étendue immense où des récipients pleins d'eau étaient disposés. Dans ceux-ci trempaient toutes sortes de tissus. S'interrogeant sur la nature de ce phénomène, le Nain s'extirpa des planches de bois et s'approcha d'un des bacs. Haçable, un vieil homme, agitait un drap rouge dégoulinant.
- Où sommes-nous, vieillard ?
- Sur Serviettemouillédhil, seigneur. répondit-il sans lever la tête.
- Et sais-tu où je peux loger ?
- Il y a une maison vide à la fin du village. Cependant, je dois vous prévenir que des habitants vous porteront du linge à laver, chaque jours, et qu'une fois propre vous devrez le donner à la personne qui se trouve sur l'autre rive afin que celle-ci le fasse sécher.
- Très bien.
Movézeuil s'éloigna. Il allait devoir trouver une solution pour se débarrasser de cette corvée. Enfin, il avait jusqu'à demain et avait bien mérité une bonne nuit de sommeil.

Une pâle lumière traversa les minces rideaux qui couvraient la fenêtre. Prenant de l’ampleur, elle éclaira peu à peu la hutte. Un bras jaillit de sous les couvertures, suivit par une barbe rousse hirsute. Un bâillement caverneux se fit entendre. Enfin, Movézeuil sauta hors du lit et s’étira. Il revêtit son armure et passa Kal à sa ceinture. La journée pouvait commencer. Il sortit et se retrouva face à un monticule de serviettes sales. Il les ignora et s’apprêtait à poursuivre son chemin lorsqu’un homme, bondit de derrière le tas. Il portait des vêtements imbibés d’eau, et une flaque commençait, déjà, à se former autour de lui.
- Belle journée n’est-ce pas ? lança-t-il d’un ton jovial.
- Hum, oui sans doute.
- Rien de mieux qu’un beau soleil pour laver le linge.
- Hum, oui sans doute.
- Je ne souhaite pas vous presser mais votre associé attend la livraison.
- Hum, oui sans doute.
- J’ai d’ailleurs un message pour vous. dit-il sortant une lettre de sa poche. Tenez !
Il l’attrapa, la déplia et se mit à la déchiffrer. A mesure que la lecture progressait le messager reculait. Lorsqu’il pensa être assez loin, une cinquantaine de pieds le séparait à présent de Movézeuil, il reprit son observation. Le visage du Vénérable Ancien était passé, en un temps record, de la surprise à la colère. Soudain, la feuille s’enflamma, les cendres s’envolèrent portées par le vent. Le Nain poussa un hurlement puis fonça tête baissée sur l’homme, toute fatigue avait disparu. Ce dernier, terrorisé fit volte-face, et s’enfuit. Mais, il trébucha dans un large bac et s’étala de tout son long, soulevant une gerbe d’eau. Il se releva et disposa soigneusement les serviettes qu’il avait déplacé. A ce moment, sa tête se trouva séparée de son corps. Elle plongea dans le fluide qui prit aussitôt une teinte sanglante. Le reste du corps continuait étrangement son travail, tel un pantin désarticulé. Une main attrapa un chiffon, à présent rouge, le trempa dans le liquide et l’étendit sur le fond de bois du récipient tout en le frottant énergiquement. Le Nain sans se soucier de cet étrange phénomène mit son cerveau en route. Qu’allait-il faire dans cette galère ? Déjà qu’il avait des serviettes à laver, il fallait en plus que son associé soit cet être infâme. De plus, il ne pouvait pas l’attaquer puisqu’un bras de mer les séparait. A ce moment, un forgeron s’approcha. Son armure était impeccable et resplendissait au soleil.
- Réunis nos affaires nous partons ! ordonna Movézeuil en rangeant sa hache.
- Seigneur, il reste des Oreilles Pointues.
- Je sais mais ce continent est maudit. dans un murmure. Nous sommes liés à ...
Le vent emporta les paroles du Nain qui furent cependant saisies par le guerrier.
- Par quelle sorcellerie ! s’exclama-t-il.
- Ce doit encore être un de ses plans machiavéliques. Il doit manigancer quelque chose.
- Si je comprend bien, les serviettes que nous devons laver ... elles sont pour lui ?
- En effet. Si on ne lui envoie pas ce foutu linge, nous ferons faillite. Mais je n’ai aucune envie de travailler avec lui. Je préfère partir.
- Nous pourrions ........ proposa le forgeron après un instant de réflexion.
Les éléments vinrent une nouvelle fois jouer les trouble-fête.
- Hum ... une idée folle mais qui pourrait marcher. pensa à voix haute Movézeuil.
Après avoir pesé le pour et le contre, il envoya ses forgerons dans les bois, chercher quelques Elfes qui seraient affectés au nettoyage. Le plan se mettait en marche

Un fouet claqua. Des hurlements retentirent. Les Elfes accélérèrent, à nouveau, la cadence. Depuis six Lunes, ils lavaient des serviettes à un rythme effréné. Plonger. Frotter. Deux gestes qu’ils répétaient à longueur de journée. Ils ne pouvaient pas dormir. Ils étaient épuisés. L’un d’eux, n’arrivant pas à surmonter la fatigue, avait fermé les yeux. Son cadavre décorait, à présent, la porte d’entrée de l’atelier.
- Toi, là-bas, arrête de rêvasser.
Le fouet lui lacéra le dos. Encore. Et encore. La chair était à vif, la douleur insurmontable. Il serra les dents et se remit au travail. Dans un coin de la pièce s’entassait un monticule de linges. Deux esclaves s’en saisirent précautionneusement. Ils le transportèrent à l’extérieur. Dehors, le soleil brillait. Une brise agréable circulait. Movézeuil, allongé sur le sable chaud, en profitait, tout en écoutant le doux chant des oiseaux. Il remarqua les Longues Oreilles. Il se leva et s’approcha, un sourire sur les lèvres.
- Vous allez livrer cela chez qui vous savez. lança-t-il, en se frottant les mains.

***

L’espion se présenta devant Movézeuil. Il transpirait sous son sombre manteau que le vent soulevait. Il semblait réticent à l’idée de donner ses informations. Mais il le fallait.
- Mon Vénérable Ancien. dit-il en s’inclinant.
- Alors ? Quelles sont les nouvelles ?
- Eh bien, il se trouve que votre plan ne fonctionne ... pas ... très bien.
- Comment est-ce possible ? Les serviettes n’arrivent pas à destination ?
- Le problème n’est pas là. Votre collègue les reçoit bien. Mais il ne semble pas s’en occuper. Elles s’entassent dans le campement. Je crois qu’il a trouvé un autre moyen pour se faire de l’argent. Je vais essayer d’en savoir plus sur ses activités.
- Le fourbe comment a-t-il osé ? Mon plan était parfait. L’ensevelir sous les serviettes. Trop occupé par le séchage, il n’aurait plus eu le temps de se développer. Il n’avait pas d’esclave pour s’en charger.
Le Nain était furieux. Il ne tenait pas en place. Des idées se bousculaient dans son esprit. Toutes irréalisables. Peut-être pouvait-il construire un pont au dessus de la mer afin de le détruire ? Trop long. Ou alors, mettre ses troupes dans des catapultes et les envoyer de l’autre côté ? Trop risqué. Il ne pouvait l’atteindre. Mais si. Il le pouvait ....

***

Quatre Lunes étaient passées. Elles avaient été sanglantes. Mais pas assez. Les troupes ennemies étaient trop peu nombreuses. Movézeuil résistait aux assauts des trois adversaires. Il s’en sortait sans dommage.

Du sommet d’une tour de garde, il scrutait l’horizon. Attendant, avec impatience, de voir apparaître l’armée ennemie. Le coucher de soleil était sublime. L’astre semblait s’enfoncer dans les profondeurs de l’océan. Un halo mauve et orange l’entourait. Soudain, un nuage de poussière se leva, l’empêchant de poursuivre sa contemplation. Il fit un ample mouvement du bras comme pour le chasser. Cependant, le rapprochement se fit peu à peu dans son esprit. Les troupes étaient arrivées et elles semblaient plus nombreuses. Il parvenait, en effet, à discerner six bannières différentes. Enfin. Une véritable bataille s’annonçait.

***

La bataille avait été de courte durée. Les forces ennemies avaient rapidement pris le dessus. Des cadavres jonchaient les rues. Les serviettes volaient, traversant le camp en ruine, dans une danse pittoresque. Pendant ce temps, un Nain, seul sur son radeau, voguait. Etrangement, un sourire éclairait son visage. Il avait réussi. Son plan machiavélique était un succès. Son maudit collègue ferait faillite dès la Lune suivante. L’océan était agité mais rien n’aurait pu entamer sa joie ... même pas une tempête.

[ Et voila la partie de Vici ... ]

Vici :

Quelque part sur l'océan. Un nain ramait dans une pirogue. Un nain, seul dans une petite embarcation, au milieu de nulle part... Vous trouvez ça étrange ? C'est que vous ne connaissez pas Vici. Mais pour mieux comprendre, revenons quelques lunes en arrière.

**********
Une pirogue (l'équivalent du radeau chez les Dominariens) s'éloignait de la côte de Sakenkrokodhil, avec à son bord un nain, une naine et deux humaines : Vici, Eredé (son ingénieure en chef), et Anne et Claudine d'Alexandhil.

Anne - Nan mais qu'est-ce qu'on fait sur ce rafiot ?
Vici - Ben on cherche un nouveau continent sur lequel débarquer...
Claudine - Mais pourquoi on est pas resté sur celui là ?
V - Parce qu'on s'est fait poutré ! Notre camp a été rasé, on doit partir.
A - Mais... on pourra pas mettre la main sur la production de sacs alors... C'est trop injuste.
V - C'est comme ça... Après Sirèneduportdalexandhil, vous avez voulu partir toutes les trois avec moi pour conquérir des continents, vous avez découvert le débarquement, la gestion d'un royaume, et maintenant vous découvrez la suite logique : le poutrage.
Eredé - Eh oh, je vous ferai remarquer que c'est pas de notre faute si on est ici.
V - Comment ça ?
E - Vous ne nous avez pas laissé gouverner le royaume, et vous avez enchaîné les bévues !
C - Tout ça parce que vous préférez votre bière et vos forges, et que vous n'avez rien à foutre de ce qui nous intéresse !
V - Mais...
A - Pas de mais ! Pour gagner il faut de l'argent et vous avez fait des forges au lieu de faire des carrières !
E - Vous n'avez pas tenté d'instruire vos troupes, au final vous aviez que des forgerons alors qu'on aurait pu défendre notre camp plus efficacement avec des catapultes et des arbalètes !
C - Et vous n'avez pas fait assez de diplomatie !
V - Mouais...
E - Vous avez pas l'air convaincu. Et bien laissez nous gérer le prochain royaume et vous verrez qui a raison !
V - Si vous voulez...
A - Ouais !! ... On va où déjà ? C'est encore loin ?

Et après plusieurs jours de navigation ils arrivèrent enfin en vue des côtes de Couettedhil. Anne prit la tête de la production, Eredé celle de l'entraînement des troupes, tandis que Claudine prit en main la diplomatie. Vici ne reconnaissait pas son campement. Au lieu du hameau boueux couvert de cheminés crachant jour en nuit le noire fumée des forges, le camp actuel était ordonné, les principaux chemins avaient été pavés. Mais le pire était son état major. Au lieu de sa forge de commandement où missives et rapports souillés de bière côtoyaient les cendres et les lames en cours de fabrication, son trio de choc avait fait aménager un grande maison où tout devait, bien sûr, rester ranger. Couettedhil oblige, les chambres avaient été particulièrement soignées, et Vici ne voyait plus avant de s'endormir les poutres noircies, mais un plafond blanc couvert de stuc sculpté, tandis que sa couverture râpeuse s'était métamorphosée en édredon rembourré bleu turquoise. Ajoutez à ça un rationnement de la bière et du rhum "parce que c'est mauvais pour la ligne" et l'installation récente d'une grande tenture d'Althar - Mister Daifen dans le hall principal, et vous comprendrez aisément pourquoi un beau matin les trois (drôles de) dames trouvèrent un parchemin disant : "je suis parti en mission secrète pour Dominaria, je vous laisse le royaume pour vous toutes seules", excuse bidon si il en est.

**********
Et voilà donc comment Vici se retrouva en route vers de nouvelles terres où il espérait pouvoir enfin diriger les choses à sa manière, sans avoir son trio de choc sur le dos. Il ramait donc, et arriva (enfin) sur une nouvelle plage. Le temps d'accoster, de remonter sa pirogue sur le sable, et il fut bientôt interpellé par un fonctionnaire local qui passait par là.

- Bonjour Monsieur... Vous êtes ?
- Vici, de Dominaria
- Vici, vici, vici... Vous n'êtes pas sur ma liste...
- Hein ?
- Ben oui, il faut être inscrit pour débarquer ici.
- Pourquoi ? On est où ?
- Serviettsechdhil, un contient gratuit sans obligation d'achat, le règlement est déposé chez Maître Aort, à Hordadoum.
- Et... je ne peux vraiment pas m'installer ici ?
- Désolé, vous n'êtes pas inscrits.
- Je viens de me taper plusieurs lunes à ramer dans ma pirogue, vous n'allez quand même pas me dire que je dois repartir ?
- Euh... Il y a peut-être un moyen... rangez donc votre hache et restez là, je vais me renseigner.

Vici attendit donc, et au bout de quelques jours le local revint et trouva Vici qui commençait à se faire sérieusement ch...

- C'est bon, c'est arrangé, vous pouvez rester !
- Pas trop tôt...
- Par contre vous avez lu le règlement ? Vous êtes liés à un autre seigneur sur l'île d'en face et...
- C'est bon, c'est bon, j'ai l'habitude des conquêtes, je connais le règlement !
- Mais là il est diff...
- Tout ce qui m'intéresse, c'est de savoir ce que vous faites. Pas de couettes, pas de fard, pas de robes ?
- Euh non ici on fait sécher les serviettes, mais...
- Original, c'est pas super mais ça me va... Bon, il est où ce royaume ?

Et Vici se retrouva bientôt sur ses nouvelles terres. C'était un campement de base à peu près normal, mis à part les deux tours qui, reliées entre elles par une batterie de cordes, composaient un gigantesque séchoir couvert de serviettes. Vici était enfin tranquille, il allait pouvoir faire couvrir les hectares avoisinants de forges, de brasseries, de champs d'orge et de houblon... Il était seul, ENFIN SEUL...

Vici :

Quelque part sur Serviettsechdhil... Un petit ruisseau coulait paisiblement à la lisière de la forêt. Tout semblait à peu près normal, mis à part un petit être couvert de poils qui s'ébrouait joyeusement dans l'eau froide en beuglant quelque douce balade. Vici, car c'était lui, sortit finalement du lit du ruisseau, puis il se mit une serviette autour de la taille avant de retourner vers son camp, sur la colline voisine. Il approchait des premières bâtisses, quand un des gardes en faction se jeta sur lui, les yeux révulsés et la bave aux lèvres.

- Une... une...une serviette pas sèche !!
- Eh ! Oh ! Du calme !
- Une serviette humide... faut la mettre à sécher, vite...
- Mais non crétin, c'est la mienne et j'en ai encore besoin !
- Il faut qu'elle sèche... faut qu'elle sèche... y'a que des serviettes sèches ici...
Dans un dernier coup, le garde se dégagea, arrachant la serviette de Vici.
- Reviens, imbécile, rend moi ça tout de suite !

Mais le garde n'écoutait pas et il continua sa course vers le séchoir géant. Vici, légèrement gêné, couvrit au mieux son entrejambe avec ses mains, tandis que son contremaître arrivait en courant.

- Seigneur Vici, seigneur Vici ! Ah enfin vous êtes là, ça fait un moment que je vous cherche.
- Ben tiens... j'étais allé faire un brin de toilette dans le ruisseau, je reviens et l'autre abruti de sentinelle me saute dessus pour m'arracher ma serviette.
- Ah c'est pour ça que vous êtes...
- Oui c'est pour ça que je suis à poil !
- Remarquez ça vous habillerait presque... Laissez moi deviner, votre serviette était humide, ou pire, mouillée ?
- Je viens de me laver...
- Ah oui, mais auriez du vous sécher, et ensuite laisser sécher la serviette avant de rentrer. Comprenez, faire sécher des serviettes à longueur de journée... Y'en a certain sur lesquels ça laisse des traces.
- Merci de me prévenir...
- Ah oui, sinon, vous n'avez pas de nouvelles de la prochaine livraison ? Elle devrait déjà être arrivée.
- Gneuh ??
- La livraison de serviettes mouillées.
- Regneuh ??
- Vous n'êtes pas au courant qu'on attend une livraison de serviettes mouillées ? Vu votre tronche apparemment non... Vous avez un partenaire, sur l'île d'en face, qui doit nous envoyer des serviettes mouillées, sinon comment voulez vous qu'on renouvelle notre stock de serviettes à sécher ?
- Et c'est qui, mon partenaire ?
- C'est vous qui devriez le savoir...
- Ah... Et qui pourrait bien le savoir alors ? Le fonctionnaire que j'ai rencontré en arrivant ?
- Il doit le savoir, il devrait même vous l'avoir dit.
- Bon ben je vais le voir de ce pas alors.
- Euh chef...
- Quoi encore ?
- Vous comptez y aller dans cette tenue ?

**********
Quelques heures plus tard, Vici, habillé et armé, se présentait au fonctionnaire local.

- Dites donc quand je suis arrivé vous avez oublié de me dire que j'avais un partenaire.
- Ah... Je n'ai pas oublié, Monsieur, vous m'en avez empêché, vous m'avez aussi coupé quand j'ai tenté de vous dire que vous étiez lié à ce partenaire, et que si l'un d'entre vous se faisait mettre dehors, l'autre devrait le suivre.
- C'est quoi cette arnaque ?
- C'est la règle, Monsieur.
- Et donc qui est mon partenaire ?
- Attendez que je sorte ma liste... Vous êtes Vici, c'est bien ça ? Alors... Vici... Vici... Ah, Vici de Dominaria. Vous êtes avec le seigneur ------.
- NAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAN !!
- Si, Monsieur.

**********
A peine rentré au campement, Vici retourna voir son contremaître, avec une tronche d'enterrement.

- Ben qu'est ce qui ne va pas chef ? La cargaison s'est perdue ?
- Pire que ça... mon partenaire, et ben c'est ------...
- Et alors, où est le problème ?
- Le problème, c'est que je ne peux pas le blairer, il ne peut pas me blairer, et on ne peut même pas se mettre sur la gueule, parce que y'a cette saloperie de doigt de mer au milieu... Continent de merde !
- Qu'est ce que vous voulez dire par continent de merde, sans vouloir être indiscret ?
- Tu te réveilles à 35 ans pour te demander ce que ça veut dire, continent de merde ? C'est pas que t'es indiscret, c'est juste que t'es un con. En disant continent de merde j'ai voulu dire que le continent allait mal, c'est un cri de révolte que j'ai lancé à mes frères opprimés... Finissons-en avec la résignation et l'indifférence. Ouvrons les yeux ! Partout l'injustice, les doublons, les tours de garde. Ca me débecte... T'as déjà entendu parler de l'hégémonie de la grande pieuvre ?
- Non.
- Tu t'intéresses pas aux ordres ? Bah... Tu devrais.
- ...Mais pendant que j'y pense, chef, si vous ne pouvez pas vous entendre avec votre partenaire, il risque de tout faire pour entraver le commerce entre vous deux, et là ce sera la faillite. Vous serez obligés de partir à cause de lui... Chef ?... Vous allez bien ? Chef j'aime pas quand vous faites cette tête là... Là vous me faites carrément peur... Chef, vous bavez... C'est pas la peine de me regarder comme ça, je ne suis pas comestible...
- Merci mon petit, tu viens de me donner une idée... Je sais pas pourquoi mais je sens qu'on va bien s'amuser...

Vici :

Quelque part sur Serviettsechdhil, deux nains s'occupaient...

- C IV
- Touché... E III...
- A l'eau... B IV

*****

- Alors... j'avance mon cavalier...
...
...
Houhou ! J'ai joué...
- Euh... Oui je sais, je réfléchis !
- Nan parce que vous aviez les yeux fermés, donc j'ai cru que...

*****

- Euh... chef, c'est à vous de jouer...
- Gneuh... euh... on joue à quoi déjà ?
- Et ben ça fait plaisir...

Vici se redressa et se frotta les yeux, tandis que son contremaître lâchait un énorme bâillement... Depuis combien de temps étaient ils là en train de tenter de meubler les lunes d'attente ? De temps à autre un messager arrivait, porteur d'une missive, la tension montait le temps de briser le cachet et redescendait aussi sec : la nouvelle tant attendue n'arrivait pas. Ils avaient tout essayé : dames, pente, combat de coq, descente de pinte, marchage sur la ligne, lancer de caillasse, dépiégeur, je te tiens tu me tiens, hand-nain, sculptez c'est gagné, brutal poursuite, comptage de barbus, cache-cache, comptage d'imberbes, sacrifice de Falx... ah non, pas ça.

- Y'a pas à dire, chef, on s'emmerde... Je vous entends encore dire qu'on allait bien s'amuser !
- Tout se passe pas comme prévu, c'est tout...
- Et qu'est ce qui était prévu ?
- Bin ce qui m'arrive d'habitude sur ce genre d'île... Mais là je sais pas ce qui se passe, je comprends pas... Des grands espoirs, des fausses joies, mais toujours rien... En plus il paraîtrait que l'autre se soit mieux débrouillé.
- Vous voulez dire qu'il pourrait réussir avant nous ?
- Tout va se jouer cette lune...
- Et d'ici là qu'est ce qu'on fait ?
- Ben... de toute façon je vois pas ce qu'on pourrait faire d'autre. On jouait à quoi déjà ?

*****

- Nan chef, vous pouvez pas mettre le VII ici, y'en a déjà un sur la ligne...
- Ah oui c'est vrai...


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Quelque part sur Serviettsechdhil...

Un nain se promenait tranquillement dans son camp. Ses ouvriers s'activaient, tandis que ses troupes s'entraînaient. Des restes de bâtiments calcinés témoignaient encore des récents combats qui venaient de faire rage ici. Mais notre nain semblait serein, paisible... Au sommet de la colline, les deux tours avaient été reconstruites, et des serviettes séchaient à nouveau sur les filins fixés entre les deux hautes constructions. Vici, puisque c'est de lui qu'il s'agissait, fut bientôt rejoint par son contremaître, qui arriva en courant.

- Chef, chef !
- Hummm ?
- Chef, les sentinelles signalent une armée ennemie à l'ouest !
- Une armée à l'ouest... c'est bien ça, très bien même...
- Et aussi une tempête qui arrive par le sud !
- Une tempête... bien ça aussi...
- Euh... là je ne vous suis pas, chef...
- Suis-moi quand même, on devrait avoir une bonne vue, depuis le séchoir.
- Mais enfin...

Mais que pouvait donc faire le contremaître, à part emboîter le pas à Vici ? Après quelques dizaines de pieds, et une trentaine de marches, les deux arrivèrent enfin au poste d'observation.

- Euh chef...
- Quoi encore ?
- Vous ne pensez pas qu'on devrait les rentrer, les serviettes, parce qu'avec le temps elle vont se re-tremper...
- Tu vois, petit, l'armée qui nous arrive dessus ? Et bien je crois que vu nos forces et les leurs, on ne fera bientôt plus sécher de serviettes. De toute façon celles qui pendouillent là, ce sont les mêmes qu'à mon arrivée, vu que j'ai aimablement refusé toutes les livraisons. C'était juste pour faire semblant d'avoir une activité normale, tout l'argent qui rentrait venait de la contrebande de bière...
- Je sais, chef, c'est même moi qui m'en suis occupé... mais je suis loin d'en être fier !
- Et cette armée qui arrive, là bas, c'est la consécration de ma stratégie implacable pour me mettre tous les seigneurs du continent à dos, pour me faire poutrer et pour obliger mon partenaire forcé à mettre les bouts sans même avoir été vaincu. Je suis génial, tout simplement.

Le contremaître toisa Vici, avec un regard de reproche, tandis qu'on entendait distinctement la tempête et l'armée ennemie s'approcher.

- Ouais, bon, me regarde pas comme ça...
- ...
- Oui, c'est vrai, beaucoup se sont fait poutrer avant qu'on daigne enfin s'intéresser à mon cas, et si l'autre ne s'est pas encore fait dégommer et que je n'ai pas été contraint à un exil honteux, c'est uniquement de la chance... C'est pourtant pas de ma faute si à chaque fois que je veux gagner, je me démerde toujours pour me prendre des représailles de malade dans la tronche, et que là pour une fois que je veux perdre personne ne répond à mes attaques. C'est trop injuste...
- Pleurez pas chef, après tout c'est pas bien grave, si au final votre royaume se fait raser avant l'autre ! Mais à propos vous en êtes sûr, que l'autre n'est pas encore tombé ?
- Mouhahahaha !! La tête qu'il va faire quand il saura qu'il va devoir mettre les voiles à la prochaine lune à cause de moi ! J'aimerai y être rien que pour voir sa tronche, à cette raclure ! C'est pas génial comme victoire, mais c'est quand même jouissif !
- Parlez pas trop vite, ceux qui arrivent sont peut-être pas assez nombreux, ils vont peut-être laisser une forge debout...
- Dans ce cas je serais vraiment maudit...

Les deux nains s'accoudèrent à la balustrade, et observèrent l'armée adverse, et leurs propres troupes qui se mettaient en position pour défendre le campement. Aucun doute n'était possible sur l'issue du combat, il ne restait plus qu'à observer, et à savourer.
Le combat fut bref, la poignée de forgerons de Vici ne faisant pas le poids contre la troupe d'eluros, de forgerons et de harpies adverses, soutenus par un bon paquet d'élémentaires. Mais la pluie et le vent donnèrent un spectacle assez raffiné, car les serviettes se détachaient l'une après l'autre du séchoir et tombaient sur les combattants. Une harpie s'en prit une sur la tronche, et aveuglée, termina sa course par un piqué direct contre un mur. Les forgerons s'étaient métamorphosés en fantômes bariolés, et les eluros ressemblaient, de par la carrure et la serviette sur la tête, à des bonnes soeurs de l'ordre de la Sainte Bière. Les deux observateurs assistèrent, clou du spectacle, au suicide d'une élémentaire de feu qui n'avait rien trouvé de mieux que de s'attaquer à un tonneau de bière qui traînait. Une fois le bois suffisamment brûlé, l'élémentaire poussa un râle d'agonie couvert par le sifflement de la bière sous pression qui lui jaillissait dessus. Mais les meilleures choses ont une fin, et nos deux nains furent bientôt forcés de redescendre en bas de la tour, et de faire face à une masse de forgerons et d'eluros aux intentions pas forcément amicales.

- Euh... bon ben on vous laisse, y'a plein de bière pour vous dans la taverne, là bas...
- Ils ont pas l'air intéressés par la bière, chef...
- On change de méthode alors... Hum hum... ZUT ALORS ! ON A LAISSE TOUTE LA BIERE DANS LA TAVERNE, CES SAUVAGES VONT TOUT NOUS BOIRE !

Une mouche ballottée par les rafales de vent passa, puis, poussant un cri de guerre assourdissant, les assaillants se jetèrent sur la petite maisonnette qui trônait au centre du camp. Vici et son contremaître en profitèrent pour filer discrètement.

- Ah, la méthode de la taverne, y'a pas grand monde qui puisse y résister. Et après on ose me dire que ce bâtiment ne sert à rien !

**********

Bientôt nos deux nains furent sur la plage, à côté d'une pirogue, et Vici fit ses adieux à son contremaître.

- Au revoir, petit, porte-toi bien.
- Vous aussi, chef... mais vous comptez vraiment partir par ce temps ?
- Ben oui, pourquoi cette question ? Je suis un spécialiste du départ en radeau, et ce par tout temps, j'ai accumulé une telle expérience dans ce domaine.
- Ah...
- Ben qu'est ce qu'y a, petit, t'as l'air triste ?
- Non, ce sont les embruns qui me donnent cet air... Mais qu'est ce que je vais devenir sans vous ?
- Bah, une fois les îles pacifiées, il faudra des personnes compétentes pour faire sécher les serviettes. Et puis crois-moi, un contremaître en séchage de serviette, avec option contrebande de bière, tu devrais pas avoir de mal à trouver un employeur !
- Si vous le dites...

Ils furent interrompus par l'arrivée d'un nain couvert d'un long manteau.

- Seigneur Vici, vous êtes là ?
- Oui c'est moi... et toi t'es qui ? Tu serais pas un de mes espions ?
- J'en suis un, messire, j'étais parti voler dans les coffres du seigneur -----.
- Ah...
- Je suis si content de vous revoir, messire, d'autant que j'ai quelque chose de première importance à vous remettre !
- Et qu'est ce donc ?
- Quand j'ai vu le campement détruit, j'ai eu peur de ne jamais vous retrouver, mais, Skippy soit loué, vous êtes ici, ça aurait été tellement regrettable si je n'avais pas pu...
- Qu'est ce que tu veux me donner de si important ?
- Ah, messire, je suis trop heureux, d'autant que c'est si...
- Bon tu craches ?
- Et bien, messire Vici, il faut que je vous remette cette information capitale : vous savez, les coffres du seigneur chez qui vous m'avez demandé d'aller...
- Oui ?
- Et bien ils étaient vides.
- ...

PAAAAAAAAF !!

**********

Et, quelques coups de pagaie plus tard, Vici, sur sa frêle pirogue, fendait les vagues de l'océan déchaîné. Il avait trouvé une manière pour vaincre son "partenaire" sur l'autre île, et il avait réussi à aller jusqu'au bout. Il était tellement heureux que bientôt son chant couvrit le bruit des vagues...

"Darum sagen wir : Auf Wiedersehn.
Die Zeit mit euch war wunderschön.
Es ist wohl besser jetzt zu gehn,
wir können keine Tränen sehn.
Schönen Gruß und auf Wiedersehn."

[ Et voila la fin ! Par Vici et moi-même ! ]

La nuit avait été un peu plus calme, à mesure qu'il s'était éloigné de Serviettsechdhil et de la tempête qui y faisait rage. Et là, c'était le matin... un matin brumeux, pas forcément ce qu'il y avait de mieux pour se repérer, mais au moins il ne pleuvait plus. La pagaie frappait l'eau en rythme, propulsant la fine pirogue à balancier, et Vici chantait, il beuglait, même... de toute façon qui pouvait bien l'entendre ? Il était loin de tout, dans un brouillard tellement épais qu'on n'y voyait pas à dix pieds.

Non loin de là, un radeau voguait au gré du vent et des courants. Movézeuil, allongé dessus, essora sa barbe qui venait d'essuyer le gros de la tempête. Le brouillard l'ennuyait. Pas pour trouver son chemin, le Nain était perdu depuis hier soir, mais il rendait l'atmosphère humide et l'empêchait de sécher. Il se saisit de son dernier tonneau, sortit sa chope qui avait été taillée dans un crâne d'Elfe puis la plongea dans le liquide ambré. Il s'apprêtait à le savourer lorsqu'un chant barbare lui hérissa les poils. Qui pouvait chanter aussi faux ?

M- Ohé ! Ohé ! Y'a quelqu'un ?
V- Qui me parle ?
M- Un seigneur qui vient de se faire déposséder de son royaume et qui rentre chez lui.
V- Ah ... bienvenue au club alors ! Vous vous en êtes tiré sans trop de mauvais coups ?
M- Bah, j'ai réussi à échapper aux assaillants assez facilement.
V- Pareil pour moi ! D'ailleurs je vais vous donner ma méthode infaillible : vous laissez des tonneaux de bière derrière vous, et vous vous arrangez pour qu'ils tombent dessus. Le temps qu'ils finissent de boire et qu'ils décuvent, vous êtes loin !
M- Ah ... Moi je sors ma hache, en général ça suffit à les tenir à distance. Et puis comme ça, on fait pas de gâchis.
V- Ah oui ... faudra que j'essaie, un jour ...

Les deux embarcations se rapprochaient, mais la brume était encore trop dense pour permettre aux deux seigneurs de se voir...

V- Et sinon, pas trop douloureuse la défaite ?
M- Oh non, surtout qu'à cause de cette défaite, y'en a un qui va devoir mettre les voiles sans s'être faire raser son royaume, et sans même avoir une place parmi les vainqueurs. La plus honteuse défaite qui puisse exister, pire encore que l'épidémie de peste !
V- Ben ça alors, c'est pareil pour moi ! Ha la tête qu'il va faire, mon abruti de partenaire forcé, quand il va savoir ça... si il l'a pas déjà appris ! Et puis si vous avez fait ça au vôtre, aussi... Ils vont pouvoir noyer leur chagrin ensemble !
M- Bah ça ne sera que justice. Déjà que ce Nain n'est pas une lumière, limite boulet sur les bords, il faut en plus qu'il soit dominarien. Pour vous donnez un exemple, son prince m'a attaqué pendant deux Lunes avec une armée dérisoire. Je vous laisse imaginer la sienne. C'est également un piètre forgeron.
V- Le mien, c'est un emmerdeur, déjà c'est un Extrémiste Nain, et je les déteste, mais en plus...

Un silence pesant tomba sur les deux embarcations, qui continuaient, lentement, de se rapprocher. Chacun vit l'autre apparaître dans la brume, d'abord flou, tel une ombre, puis de plus en plus nettement. Soudain les deux nains se levèrent.

M- Vici !
V- Movézeuil !
M- Mais qu'est ce que tu fais là, tu devais partir qu'à la prochaine lune !
V- Mais non, c'est toi qui devais partir à la prochaine lune. C'est moi qui me suis fait poutrer le premier !
M- Non c'est moi ! C'est moi qui ai réussi à me mettre plein de seigneurs à dos et à me faire vaincre avant toi !
V- Je m'en suis pris quatre dans la tronche, alors j'ai été meilleur que toi à ce jeu là !
M- Hahaha, le petit joueur, six, qui sont venus, six ! Je t'ai battu !
V- Je parie que y'en avait au moins deux qui étaient là juste pour le pillage ! Et puis moi si je compte ceux qui m'ont attaqué ces deux dernières lunes j'en ai aussi six au total, d'abord !
M- Je m'en fiche, c'est moi qui ai gagné !
V- Non c'est moi... Enfin je crois qu'on a gagné tous les deux...
M- Une égalité...
V- Une égalité contre toi, Movézeuil... Mais qu'est ce que j'ai fait à Skippy pour mériter ça ?
M- Une égalité... une égalité entre nous, mais c'est impossible...
V- Je suis bien d'accord... en garde !

Vici dégaina ses glaives, tandis que Movézeuil empoigna Kal. Les deux se fixèrent de longues minutes, l'un sur sa pirogue, l'autre sur son radeau. Soudain ils se jetèrent l'un contre l'autre, et les lames s'entrechoquèrent. Movézeuil donnait de grands coups d'estoc et de taille avec sa hache, tandis que Vici esquivait et parait avec ses glaives, et s'approchait rapidement pour riposter avant de reprendre ses distances. Les deux bretteurs s'affrontèrent ainsi sans relâche pendant plusieurs heures, sautant d'embarcation en embarcation, bravant l'humidité et le roulis, jusqu'à ce que...

Nan mais là ça va pas, c'est nul ! Sauter de bateau en bateau, comme ça, avec le bois humide et bien glissant, vous pensez vraiment qu'ils y peuvent y arriver sans passer à la flotte ? Et puis ils ont beau être costauds, les deux nabots, vous pensez vraiment qu'ils vont se mettre sur la gueule pendant des heures ? Faut pas pousser ! Bon c'est vrai, c'est beau, c'est épique (encore que)... mais c'est nul ! Allez on reprend, et du début du combat s'il vous plaît.

Movézeuil empoigna Kal, et frappa un grand coup vers Vici, qui esquiva. La hache, fendant les airs, continua sa course et frappa de plein fouet la fragile pirogue, qui se fendit en deux. Vici sauta sur le radeau, en manquant de s'étaler, il lâcha un "ah comme ça tu m'as cassé mon embarcation, tu vas voir ce que je vais faire de la tienne". Après quoi notre champion dominarien dégaina ses glaives et sectionna méthodiquement tous les cordages qui maintenaient les planches du radeau. Les deux se regardèrent, satisfaits, avant de finalement prendre conscience qu'ils venaient de détruire leurs bateaux et qu'ils s'étaient, après une nouvelle égalité, foutu dans un sacré merdier. Quelques secondes leurs suffirent pour balayer le radeau des yeux et pour y trouver leur dernier espoir : le tonneau qui trônait sur le radeau de Movézeuil. Après quelques contorsions, ils se retrouvèrent coincés dans le tonneau, dos à dos.

M- Sors de là tout de suite, c'est mon tonneau !
V- Rien à foutre !
M- Attends un peu que je te fiche dehors...
V- Bouge pas comme ça, on tangue ! Faudrait pas que le tonneau se renverse...
M- Comme ça t'iras à la flotte.
V- Mais toi aussi... J'aime pas, toute cette eau, à la limite ça serait de la bière, j'dirais pas non, mais là...
M- Mouais c'est ça... Tu parles de bière alors que tu la tiens même pas, espèce de buveur d'eau douce !
V- Attends un peu que je te défonce la tronche...
M- Attention, ça tangue !
V- Tu perds rien pour attendre, pet de squig !
M- Bouffeur de salade !
V- Imberbe !
M- Morrien !
V- Pancarte "crédible" !
M- Eluros de bac à sable !
V- Porteur de collants roses !

Ils s'engueulaient, coincés dos contre dos, tandis que leur tonneau, porté par le courant, continuait son paisible chemin. Vers où voguaient-ils ? Quand mettraient-ils à nouveau le pied sur la terre ferme ? Cela nous importe peu, car le récit de leurs aventures au pays des serviettes sèches et mouillées est désormais terminé.

***

V- J'ai l'impression qu'on prend l'eau, j'ai les pieds mouillés.
M- Ah mais oui c'est vrai qu'il y a un reste de bière, au fond du tonneau, je m'en boirais bien une petite gorgée...
V- Enfin bon avec tes pieds qui ont macéré dedans depuis deux jours, combiné à l'hygiène légendaire des Extrémistes Nains, elle ne doit plus être très buvable ta bière...
M- Premièrement l'hygiène des Extrémistes n'a rien à envier à la tienne, et deuxièmement si tu veux te prendre Kal dans la tronche t'as qu'à demander.
V- Essaie, qu'on rigole un peu !
M- Remarque si je trempe le manche de Kal dans le fond, je peux peut-être remonter quelques gouttes...
V- T'y penses pas ? Si ? Alors je me laisserai pas battre sur ce point là non plus, je vais utiliser mes glaives !
M- ...
V- C'est pas si mauvais que ça en fait, ça donne un petit goût fruité...
M- Je dirais plutôt un petit goût de noisette.
V- Nan c'est fruité, je te dis.
M- Et mon poing dans ta tronche, tu crois qu'il sera fruité ?
V- Essaie, qu'on rigole un peu !
M- Ta gueule !
...